
LA REUNION/ UNE NOUVELLE EXPOSITION A LA GALERIE EGREGORE par Michelyne Cailleau
SUD OUEST, 15 octobre 2023- Après l’exposition Street Art durant les deux mois d’été, la galerie associative Egrégore propose depuis fin septembre les œuvres de sept artistes, peintres et sculpteurs, de Nouvelle-Aquitaine et d’ailleurs. Un vernissage a réuni six d’entre eux. Cette exposition sera visible jusqu’au 12 novembre, clôturant ainsi la saison de la galerie.
Un large panel
La douzaine d’artistes exposés représente un large panel des différentes techniques et courants actuels. (...)
Tout autre style s’impose chez Anne Bertoin, après une formation classique aux Beaux-Arts de Paris, elle a vécu vingt-deux ans au Canada. Les grands espaces naturels l’inspirent, aucune photographie des lieux, l’imaginaire s’inscrit dans ses toiles. D’un ton classique, elle évolue vers le réalisme, la matière lui donne une grande force. De lieux industriels abandonnés, sa peinture s’aventure dans la nature qui a repris sa place, tout en noir et blanc pour sublimer les paysages où abstraction et figuratif se mêlent.(...)

Anne Bertoin . Les espaces dévastés par Virginie Nielsen.
Kaléidoscope #2, Miroir de l'Art , février/ mars 2023, p.64-67.
Mon travail repose sur l'idée de " trace mnésique " écrit Anne Bertoin qui ajoute: " à mi-chemin entre le conscient et l'inconscient, le tableau conduit le spectateur dans un no man's land imaginaire où l'histoire individuelle cède la place à l'histoire collective. Aux frontières de l'abstraction, la peinture d'Anne Bertoin explore le paysage à la façon d'un sismologue. On y sent palpiter les inquiétudes et angoisses liées au dérèglement climatique et dans chaque centimètre carré de toile le grand souffle de la nature. Cette nature qu'elle a longtemps côtoyée puisqu'elle a passé une grande partie de son existence au Canada. Au coeur de sa figuration foisonnante émergent des ruines, des rochers, des routes, des arbres, des êtres humains, un maelstrom de détails et de motifs qui nous plonge dans la grande incertitude de la vie, dans une forme de chaos qui peut être perçu comme un cataclysme aussi que comme une mutation, la peinture d'Anne Bertoin est à l'écoute du monde et de ses soubresauts.
Née en 1963 est notamment représentée par Manjari & Partners à Paris 11ème.

ANNE BERTOIN . PREMIERES NEIGES PAR MARTINE SALZMAN.
LIGEIA n°185-188 , janvier-juin 2021, pages 20-21.
Premières neiges est une œuvre où les antagonismes s'articulent avec fluidité. Ici l'effet de naturel est à son comble.
Les traces de la conscience affleurent partout mais rien n'est affirmé, comme si les décisions de l'artiste devaient rester invisibles.
Nature inexploitable, sauvage par la grâce de la banalité.
Pentes de terre avec rochers, graviers et herbes naines.
La nature dans son état élémentaire,
Presque à nue au matin d'une chute de neige.
Rien de remarquable.
Rien de remarquable dans le sujet.
Rien de remarquable sauf sa banalité même.
Rien de remarquable si l'œuvre avait été un cliché photographique.
Il y en a tant de ravines dans les campagnes.
Mais cette impression de nature
Sans illusionnisme, d'un naturel poignant
Est l'œuvre de la main, du geste,
D'une sensibilité, d'une conscience.
Terre si intensément aimée.
Les taches d'encres rythment les rochers en marches noires descendantes.
Et les réserves blanches dansent au même rythme saccadé, irrégulier.
Les dégradés aqueux galbent les rochers.
Le pinceau souligne leurs cascades, d'un geste léger, sinusoïdal.
Sur la neige délicatement posée de minuscules empreintes capillaires noires et grises
Disent l'interdépendance du végétal et du minéral.
Et de larges coups de pinceau courbes, clairs,
Tracent un rythme vaste, incurvé, descendant,
Transcendant ce monde de rochers et de brindilles.
Mouvement d'une autre échelle
Premier geste sur la surface du papier
Qui fonde à chaque tache, à chaque empreinte,
Son avenir, son langage, son analogie.